La nuit est faite pour attraper les étoiles.
Le rêve dissout notre esprit de toutes contraintes.
Evadez-vous dans l'inconnu, dans cette entité, vous ne serez jamais amenés à vous retourner.
Martine Tardy Pierretta
Je me sens coupable d’avoir laissé ma fille de treize ans chez ma sœur Valérie qui, très perturbée par la mort de son mari, ne parvient pas à faire le deuil. Il fait très chaud, les rayons du soleil passent à travers les branches. Cette route droite est bordée d’arbres plantés comme des « I ».
Ma fille Claire me téléphone :
— J’en ai marre d’être chez elle, elle pleure tout le temps, quand reviens-tu me chercher ?
— Tu sais bien que je n’aime pas que tu m’appelles lorsque je conduis. Je suis surveillée, nous sommes surveillées Claire.
— Oui, je sais que nous sommes espionnées, tu me le répètes cent fois par jour, je ne risque pas de l’oublier ! Tes jeux de pistes ne m’amusent plus, c’est dans ta tête tout ça, maman.
Claire, il y a seulement vingt minutes que je t’ai laissée et j’ai encore une bonne heure de route avant d’arriver à Brignoles !
— Pourquoi, ne suis-je pas allée chez papa ? s’enquit ma fille.
— Je ne pouvais pas te laisser partir seule aux États-Unis, même accompagnée, c’est un trop long voyage, ne reviens pas là-dessus, tu connais notre point de vue à ton père et moi. À plus tard ma chérie. Puis je raccrochai pour ne pas l’entendre rouspéter davantage.
Claire déteste lorsqu’elle n’obtient pas gain de cause. Nous ne lâchions rien à propos des voyages, D’autre part, lui imposer tant d’heures de vol pour quelques jours étaient une hérésie. Et, surtout, nous avions peur qu’elle ne se fasse accoster par les personnes qui nous harcelaient depuis des mois. Mon mari et ma fille Élise, bientôt quinze ans, étaient en Amérique afin de détourner l’attention de ces espions qui nous pourrissaient la vie depuis un an. Pour une raison de sécurité, nous devions faire diversion pour éloigner ces services secrets qui nous scrutaient en permanence. Avec Claire, nous sommes très souvent seules à Aix-en-Provence, je nous sais exposées à de grands risques.
Je n’ai encore rien dit à Claire, mais les surveillances s’intensifient aussi à la maison.
J’ai fini par comprendre que mon décodeur, branché pour le téléviseur, sert à épier nos faits et gestes ainsi qu’à écouter nos conversations.
Il en est de même pour le téléphone portable, la ligne internet ainsi que le fixe.
Je suis régulièrement en relations avec les services des télécommunications à qui j’ai dit qu’un maniaque me harcelait et m’avait volé mon portable.
Une fois même, je fus reçue par le directeur en personne qui m’a tenu ces propos :
— Je crois que votre histoire est compliquée.
Tant mieux, car j’étais à court d’arguments. Mais au juste, qu’insinuait-il ? Claire pense que son père et moi sommes séparés et ne comprend pas pourquoi n’a-t-il pas monté sa boîte de « design » en France, sachant, dit-elle, que son associé n’est pas marié, il est sans enfant lui, il pourrait donc y aller à sa place. Un jour, elle m’a tenu ces propos :
— Si tout allait aussi bien que ça entre vous, vous ne
passeriez pas votre vie chacun de votre côté. Si c’est pour nous que vous faites semblant, c’est nul ! Passez des heures dans les avions, je n’y vois aucun intérêt. De plus, depuis trois mois, vous nous avez séparées Élise et moi. Une famille soudée, que vous dites, mon œil, vous êtes des parents égoïstes !
Je suis restée bouche bée, ne sachant que lui répondre. Du coup, je me suis dit, si c’est la seule explication valable et sans doute la moins risquée pour nous quatre, tant pis si Claire pense cela. Élise est plus raisonnable que sa sœur. Claire cherche toujours à croire et faire des choses extraordinaires, disons, des choses qui relèvent d’un danger en quelque sorte.
Mon beau frère Nicolas faisait partie d’un service d’expérimentation sur le clonage des humains aux États-Unis. Depuis avril 2009, avec ma sœur, ils s’étaient installés en France, à Aix-en-Provence plus précisément. Avec Valérie, ils avaient trouvé une grande maison. J’allais devoir supporter plus souvent la présence de Nicolas. Au premier regard échangé avec mon beau-frère, l’incompatibilité d’humeur avait pris le pas sur nos relations. Je ne l’aimais pas et lui non plus du reste. C’était un dragueur né, imbu de sa personne et seuls l’argent et le pouvoir sur les autres l’intéressaient.